Le sorcier du diato
Norbert Pignol, l’interprète, possède un trait unique. Son style est habité de la même générosité qui le caractérise en tant que compositeur. Dans des groupes aux musiques novatrices comme Dédale ou Obsession, dont il est l'un des fondateurs, ou plus récemment en solo, Norbert Pignol exploite son accordéon diatonique au maximum de ses possibilités sur l’ensemble de ses registres mélodiques mais aussi rythmiques et harmoniques.
Quand l’accordéon sort de ses gonds... En qualité d'interprète, il possède ce petit quelque chose qui vous émeut, vous touche immédiatement à travers ses registres mélodiques mais aussi rythmiques, harmoniques et bruitistes.
Avec Fictions, enregistré en totalité « à la maison », Norbert Pignol opère une synthèse de ses deux premiers albums. Polyphonique, généreuse, lyrique et virtuose, telle est la première voie explorée avec bonheur par celui que l’on pourrait presque nommer le « Mike Oldfield de l’accordéon diatonique», dans la lignée de Silence (1999). A ceci près que les rythmiques et lignes de basse sont faites de samples issus d’objets quotidiens (clés, ballon, pièce de monnaie…) ou incongrus (flipper, avion dans le ciel…) traités en studio et remis en jeu sous forme de « musifilms ». Cette matière musicale constitue la trame de la « deuxième voie » explorée par l’artiste : une route avant-gardiste qui prolonge et enrichit les expériences bruitistes de son deuxième album Féline (2004). Ici ce sont moins des « histoires mélodiques » racontées que des ambiances dévoilées, des à-plats, des paysages de bourdons obsédants et de griffes sonores, comme figés dans leur étrangeté par l’arrêt du temps. Plus que jamais, l’accordéon diatonique se fait ici boîte à outils, camera oscura, chambre ouverte sur l’intérieur…à la fois poumon et écran sonore. Cet équilibre entre joyeux bricolage et onirisme inquiet, qui se nourrit d’images précises(« mer d’huile », « bwindi », « le mendiant québecois »), irrigue le voyage proposé ; comme si le musicien, à l’écoute du bruissement de la vie, était seul maître du mouvement de sa palette. L’univers accueilli ainsi, se révèle si riche et coloré que l’artiste n’a pour autre ambition que l’orchestration du dépouillement... à la recherche du silence ?
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