« C'est
une orgie, un tumulte, un champ de bataille… Un jour j'ai reçu Miossec dans la
gueule, avant lui Higelin, plus tôt mon père m'avait tatoué Ferré dans le cœur
pour la vie. Aujourd'hui Le Larron entre par la grande porte des chanteurs qui
ne prennent pas le temps de tricher. » CALI, extrait de la préface
Le Larron est un
Amateur.
Un amateur de musique
qu'il pratique avec passion et lenteur, en promeneur peu pressé d'arriver pour
qui le voyage est plus important que la destination. Il savoure. Dix ans
d'écoles de musique diverses, dix ans de groupes de rock et d'électro, puis dix
ans à écrire, enregistrer et jouer pour les autres avant d'oser finalement prendre
le micro, à un âge où la plupart des rock stars dorment déjà sous les
pissenlits.
Pour concevoir et enregistrer ce nouvel album,
Le Larron a ainsi pu s'accorder un luxe rare : prendre le temps. En
commençant par construire son propre studio, pour pouvoir expérimenter, se
tromper et recommencer jusqu'à ce que la sauce prenne. Un piano solitaire, une
guitare sexagénaire, un synthé au rebut, des batteries martyrisées se mêlant au
vibrato d'une clarinette basse, la voix de Lisa Portelli, la flûte virtuose de
François-Marie Moreau ou les guitares gémissantes de David Carroll, tels sont
les ingrédients qu'il a malaxés pendant près de deux années pour parvenir à cet
improbable mélange qui convoque autour de la table (de mixage) les esprits
de The Roots et Tom Waits, Nino Ferrer ou Bowie, Arno, Dutronc, Grace Jones ou
Isolee...
Mais Le Larron est aussi amateur de mots. Comme
un photographe, il sait que le point de vue est plus important que le sujet et
s'attache à regarder le monde de travers, de trop près ou de trop bas, par le
prisme étrange d'une lucidité crue, empreinte d'une poésie dérangeante,
héritier en cela d'un Tim Burton ou des maîtres du roman noir qu'il affectionne
tant. Déclaration d'amour répétée jusqu'à la nausée, rupture indifférente,
supplique sadomasochiste ou renoncement, poésie politique et hymnes absurdes,
Le Larron développe une écriture singulière. Accents dub, tango pathétique,
ballades étranges ou rock synthétique, cet album parcourt les influences et
les expériences qui ont marqué la vie de musicien du Larron. Mais la cohérence
est là, la patte s'impose, un univers étrange, mais très personnel se dessine.
Par l'écriture bien sûr, mais aussi par la voix.
En bon amateur, Le Larron a le goût du travail
bien fait. Bien fait pour lui. Bien fait pour nous.
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